Quand Joseph Incardona raconte une histoire, il nous prend tout entiers par les sentiments. Nous le connaissions dans le roman noir, féroce et diablement fin dans son observation du monde. Avec Permis C, il livre un roman d’apprentissage d’une violence aussi cruelle que banale. C’est son livre le plus personnel, définitivement le plus touchant. Nous y accompagnons André, fils d’un immigré sicilien et d’une Suissesse, dans la Genève des années 19plus70, à cet âge où l’on n’a pas envie d’accepter que la vie soit une tragédie, mais où l’on a bien compris qu’on ne retournera pas en enfance. Nous sommes pourtant en plein dedans avec ce récit sans concession. André souffre, découvre, grandit, freiné par cette ambiguïté entre le poids de sa nationalité et sa fierté patriotique, perplexe face aux comportements des adultes mais lucide, et bien décidé à ne pas se laisser faire. Peu d’écrivains ont su parler de l’enfance avec une telle résonance. La puissance des mots évoque Marcel Pagnol : Permis C serait alors un peu comme une Gloire de mon père que l’on aurait renversée la tête la première dans le Léman, et proprement dégommée à la carabine.